Bonjour à tous !
Nous avions visité un bidon-ville lors de notre passage à Bombay.
Et pas n'importe lequel : Dharavi !
Il est (tristement) célèbre pour être le plus peuplé des bidon-villes d'Asie avec plus d'un million d'habitants. Et aussi parce que le slum de "Slumdog Millionnaire", c'est lui !
C'est une ONG qui organise le tour. Pas de curiosité malveillante ici, on veut simplement nous montrer comment se passe la vie dans le slum.
On s'attendait à voir principalement des "résidences" si l'on peut dire, mais que nenni ! Dharavi c'est d'abord un quartier d'affaires et des industries !
Avant même de commencer la visite, on nous explique ... Dharavi comporte deux parties : une zone d’habitations et une zone commerciale et industrielle. Ils font visiter les deux.
Dans Dharavi, ce sont des dizaines d’industries qui se côtoient : du recyclage (plastique, métaux, cartons …) à la fabrication intensive de certains produits agro-alimentaires, en passant par le nettoyage de boîtes d’huile et le travail du cuir de chèvre.
Amis des animaux, je suis désolée de vous dire ça mais les chèvres que vous verrez dans les photos plus bas sont destinées à deux usages distincts : le sacrifice religieux (musulman) et le sacrifice commercial de leur peau.
Même que si vous passez au bon moment, comme nous, vous verrez et surtout sentirez l’odeur des carcasses brûlées et les peaux toutes justes prélevées, avec un peu de sang et de boyaux dessus … Mmhhh !
Et toutes ces industries représentent un chiffre d’affaires énorme : 665millions d’USD / an. On a fait répéter 3 fois au guide, on a vérifié via plusieurs sources ensuite, et pas d’erreur !
Rien que le recyclage de plastique qu’ils font (trier le plastique, le faire fondre, en faire des pellets) vaut des millions. Les pellets, c’est ces mini-bouts de plastique que les entreprises européennes rachètent à prix d’or pour faire des bouteilles plastiques par exemple.
Bien évidemment, les photos sont interdites. Cela dit, l'ONG, Reality Tours and Travel, nous en a envoyé quelques unes par mail :
Inutile de vous dire qu'on y voit qu'une petite partie de la réalité que l'on a pu voir de nos yeux...
Si j'avais pu en rajouter quelques unes, il y aurait sans doute eu :
- l'unique bloc toilette qu'on ait vu, avec une montagne d'immondices devant qui sert également de toilette. Pour info, à Dharavi, il y a en moyenne un W-C pour 1500 personnes (il y a quelques années, c'était 1 pour 15000, les choses s'arrangent ...).
- la couleur de l'eau : entre le bleu électrique, le vert caca d'oie et le marron ... ici, on recycle, mais ça n'a pas que du bon pour l'environnement puisque tout est rejeté dans l'eau ...
- les ateliers de fabrication de chips indiennes : des femmes, assises par terre, qui travaillent toute la journée pour fabriquer des chips, qui sèchent au soleil (et avec les mouches...) et que l'industrie agro-alimentaire leur achète pour une boucher de pain. Et oui, ici, la main d’œuvre est encore moins cher que les machines industrielles dans certains cas.
- les centaines de personnes qui vivent et travaillent au même endroit (c'est à dire dans moins d'1m²) sans gants et sans masques. NB : je dois préciser que l'ONG qui nous a fait visiter à essayer de donner des gants et des masques aux employés, sans succès ... Selon eux, cela "ralentit le travail".
- les mini-appartements de 12m² où vivent 4 à 5 personnes.
- les fours à poteries, où l'on fait brûler de vieilles fringues et qui dégagent des fumées pires que toxiques. Et pourtant, il n'y a que toi petit blanc, qui crache tes poumons ... ah oui c'est vrai, ceux des gens autour sont déjà cramés ...
D'après notre guide, l'espérance de vie ici est "plutôt bonne" : une cinquantaine d'années en moyenne (contre 66,8 ans, moyenne Inde). Cela dit, je ne suis pas tout à fait sûre de ce qu'il a avancé : d'abord parce que je ne vois pas comment on peut vivre jusqu'à 50 ans quand on respire ce qu'ils respirent à longueur de journée et aussi parce que l'on a croisé peu de gens qui avaient l'air d'avoir plus de 40 ans, mais bon, c'est subjectif ...
D'après notre guide, l'espérance de vie ici est "plutôt bonne" : une cinquantaine d'années en moyenne (contre 66,8 ans, moyenne Inde). Cela dit, je ne suis pas tout à fait sûre de ce qu'il a avancé : d'abord parce que je ne vois pas comment on peut vivre jusqu'à 50 ans quand on respire ce qu'ils respirent à longueur de journée et aussi parce que l'on a croisé peu de gens qui avaient l'air d'avoir plus de 40 ans, mais bon, c'est subjectif ...
- les paraboles ! A Dharavi, on n'est pas coupé du monde, on a vu pas mal de foyers ayant accès à la télévision.
- le nettoyage des bidons d'huile ... on nous a assuré que les industriels vérifiaient la propreté du bidon avant de les remplir à nouveau, mais on n'a pas trop confiance alors on achète de l'huile d'olive en bouteille. Attention, j'ai pas dit que c'était mieux, mais au moins j'ai pas l'image d'un bidon moitié rouillé, rincé 3 fois dans l'eau pas nette avant d'être rempli...
Et aussi la fierté des gens, quoiqu'on en a déjà un aperçu avec les photos ci-dessus. Les gens sont très fiers de vivre à Dharavi.
Plusieurs raisons à cela :
- c'est un quartier prospère, on y a développé des industries, qui exportent même leurs produits et qui a une place importante pour beaucoup d'entreprises plus grandes.
- il y a un vrai sentiment de communauté. Je vais citer l'exemple du guide qui avait une "certaine" image de l'individualisme européen "Vous, si vous mourrez seule chez vous, on trouvera votre cadavre au bout de plusieurs mois, à l'odeur, parce que vous ne vous souciez pas des uns des autres. Ici, rien qu'une petite coupure et tout le monde accourt pour vous aidez. C'est ce qu'on appelle une COMMUNAUTÉ". Bon honnêtement, j'ai pas voulu râler mais on est quand même pas aussi individualiste que ça en Europe ...
Bref, ce sentiment de communauté est très développé à Dharavi et c'est une richesse pour ses habitants.
Bref, ce sentiment de communauté est très développé à Dharavi et c'est une richesse pour ses habitants.
- c'est un quartier très bien placé ! En plein coeur de Bombay, entre deux lignes de train importantes. Beaucoup de jeunes qui ont fait des études et ont des professions à l'extérieur continuent de vivre ici par la suite rien que pour ça (et la communauté of course ;-)
Bilan de la visite : choquant, of course !
Mais peut-être pas tout à fait de la manière dont on pensait. On s'attendait à être choqué devant la pauvreté et la misère dans laquelle vivent les gens, et on l'a été bien sûr ... La saleté, les conditions extrêmes de vie ... Terrible !
Cela dit, contre toute attente, ce n'est pas ce qui est le plus dérangeant ...
Personnellement, j'étais révoltée, en colère, je me sentais impuissante et frustrée : tout en vivant dans des conditions extrêmement difficiles, et en partant de rien, ces gens ont développés de la richesse, une mine d'or industrielle ... Ok, c'est génial ! Mais ils passent où ces 665 millions de $ de chiffre d'affaires ??? Pourquoi on a l'impression (et pas que...) que ceux qui sont ici n'en bénéficient pas du tout ? 1 million d'habitants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ici et 665millions de $ générés ? Y'a un soucis dans l'équation non ?
Ah oui, le fléau de l'Inde ... la corruption ! L'argent généré est aux mains de quelques personnes puissantes (et malhonnêtes ...).
Ah oui, le fléau de l'Inde ... la corruption ! L'argent généré est aux mains de quelques personnes puissantes (et malhonnêtes ...).
Alors qu'est-ce qu'on peut souhaiter à Dharavi et ses habitants ? Que peut-on espérer pour eux ? Quel est le futur de ce lieu, de ces gens ?
C'est la question que j'ai posé à notre guide au milieu de la visite.
Je n'ai jamais eu de réponse à mes deux premières questions, mais pour ce qui est du futur, la ville de Bombay a parlé plusieurs fois de plan de "redéveloppement". C'est la question que j'ai posé à notre guide au milieu de la visite.
Ces plans incluent des constructions d'écoles, de logements, de routes, de meilleures conditions sanitaires, des espaces commerciaux. De grands architectes s'y sont penchés ...
Quelques obstacles à ce plan :
- sont prévus dans la relocation seulement les habitants qui étaient à Dharavi avant 2000, pour les autres, il faudra partir.
- certains baux de location fait par l'Etat sont encore en cours (baux de 100ans) et ils doivent donc attendre d'être libéré de cette obligation (ce qui sera fait aux alentours de 2020-2030...)
Les problèmes engendrés par ce projet :
- s'il vient à bout, la disparition ou l'incapacité de continuer à cet endroit certains business, qui sont illégaux mais qui font vivre des centaines de personnes
- selon les gouvernements, seules les industries "polluantes" seront délocalisées. Cependant, comme il s'agit de la majorité des industries qui y résident ...
- concrètement, le coût de la vie augmentera beaucoup et les gens ne pourront pas rester. On assistera alors à un déplacement du problème, où les habitants du slum iront en créer un nouveau plus à l'extérieur de la ville. Et Dharavi deviendra un quartier résidentiel agréable.
Mais ce ne sont que des suppositions, car rien n'est encore fait et Dharavi, ainsi que toutes ces activités, sont encore implantées en plein coeur de Bombay pour quelques années je pense !
Si vous passez par Bombay, ne manquez pas ce tour !
500 roupies par personne (7€) + 24 roupies (0,3€) de train
80% des recettes sont consacrées à différents projets dans le slum notamment une école, des cours pour adultes, une garderie ...
Reality Tours & Travel - http://realitytoursandtravel.com/